Se réveiller au chant des oiseaux

Wenwen Cai, curatrice et cheffe de projet à arc en rêve, signe un article dans le numéro 17 de la prestigieuse revue taïwanaise Architecture+Tectonics.
Elle y décrit le travail de Duncan Lewis et sa manière tout à fait particulière d’arrimer le bâti sur le végétal.
Nous l’avons traduit et le mettons à disposition à la lecture sur notre site web.

Dans le monde de l’architecture contemporaine, l’intégration du végétal dans la conception architecturale émerge comme l’une des approches essentielles pour repenser notre relation avec la nature. Des bureaux, des résidences, des écoles et même des hôtels sont désormais conçus en harmonie avec la végétation environnante, donnant naissance à ce que l’on appelle communément les «bâtiments verts». Cette tendance architecturale vise à répondre à la crise environnementale. En cela, elle incarne un sujet majeur de notre époque, servant de stratégie pour diversifier les formes architecturales en réponse aux enjeux environnementaux et sociaux.

Duncan Lewis, un architecte britannique basé à Bordeaux, explore avec ingéniosité la dynamique entre l’homme et la nature. Plutôt que de cantonner ses idées dans le débat écologique général qui domine actuellement la société française, nous proposons ici de les aborder en mettant en avant le concept de «compagnonnage» entre l’homme et la nature, où ils apprennent mutuellement à coexister. Cette perspective transcende l’idée traditionnelle de paysage et devient un concept de design interactif, vibrant d’une dimension sensuelle.

Au cours de plus de trois décennies de recherche et de pratique, Duncan Lewis a cherché à définir l’architecture dans le contexte de la nature, explorant différentes approches pour intégrer la nature dans ses projets. Contrairement aux pratiques superficielles de greenwashing qui émergent dans la pratique immobilière, le travail de Duncan Lewis repose sur une base théorique solide, contribuant au cours des deux dernières décennies, à l’émergence du modèle de « construction écologique ».

Les projets de Duncan Lewis ont toujours été variés, mais l’habitat est au cœur de sa démarche globale. Ses trois périodes de conception résidentielle distinctes nous offrent un aperçu de la manière dont l’architecte exprime l’interaction entre l’architecture et la nature. En 1993, en collaboration avec Edouard François, il réalise les Gîtes de Jupilles, un chef-d’œuvre qui intègre habilement la nature dans l’architecture. En 2005, avec Hervé Potin, il conçoit la Cité Manifeste à Mulhouse, composée de 12 maisons qui fusionnent avec la végétation environnante. En 2021, avec sa propre société, il réalise les 49 appartements de l’EKKO à Bordeaux, en parfaite harmonie avec le plan d’urbanisme de MVRDV.

Ces trois exemples d’habitations cherchent à créer une symbiose entre l’homme et la nature, offrant un espace de vie adapté aux besoins de chaque famille tout en favorisant le développement naturel des plantes. Par exemple, aux Gîtes de Jupilles, le mur extérieur est une haie qui abrite la faune locale tout en assurant une isolation thermique efficace. Cette coexistence entre la haie et la façade témoigne de la profonde connaissance des plantes et des techniques de construction nécessaires.

La Cité Manifeste à Mulhouse, en 2005, repense le logement social en expérimentant différentes typologies de logements tout en encourageant la croissance de plantes grimpantes sur ses façades. Au fil du temps, ces plantes deviennent la nouvelle interface entre la maison et la nature, intégrant progressivement le bâtiment à son environnement.

En ce qui concerne l’EKKO à Bordeaux, l’architecte a réussi à intégrer un espace vert dans le projet, créant ainsi un jardin tridimensionnel qui dialogue avec les espaces extérieurs des appartements, tout en servant de frontière entre l’intimité des espaces de vie et l’espace public de la ville. Cette démarche reflète l’idée de partage dans un contexte de logement collectif.

Sur le plan formel, l’approche architecturale de Duncan peut sembler simplement ajouter des éléments végétaux (fleurs, arbustes, arbres) aux bâtiments. Cependant, une analyse approfondie révèle que l’architecte crée en réalité un système symbiotique et complémentaire entre l’homme et la nature à travers ses solutions architecturales, un écotone en somme. Pour Duncan, il s’agit de démontrer que les communautés urbaines, les activités humaines quotidiennes et les éléments naturels peuvent se fondre et se fusionner pour former un nouvel écosystème symbiotique.

Enfin, il convient de souligner l’approche directe et honnête de Duncan vis-à-vis de la structure des bâtiments. Selon lui, un bâtiment nouvellement achevé n’est qu’un point de départ, une toile vierge pour une histoire architecturale en évolution constante. Cette évolution implique l’occupation progressive de l’espace par les occupants humains et végétaux, créant ainsi un espace de transition unique qui favorise le développement durable du bâtiment.

Wenwen Cai